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UNPI 76 - Rouen
Chambre Syndicale de la Propriété Immobilière Normandie

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Lofts, péniches, usines, moulins. La nouvelle vague de l’immobilier atypique

PERSPECTIVESVoici probablement un reflet des nouveaux modes de vie apparus à la suite de la crise du Covid-19, l’immobilier dit « atypique » garde le vent en poupe sur un marché globalement morose. S’installer sur une péniche, réhabiliter une ancienne église ou revisiter un atelier d’artiste devient chose courante pour des acheteurs à la recherche d’un quotidien différent, pour un budget qui n’est pas forcément astronomique.

" Alors que le marché de l’immobilier subit de plein fouet une violente crise, le marché de l’atypique semble résister", annonçait Le Parisien le 14 juillet 2023. Les péniches, les anciennes écoles, les églises désaffectées et les bâtiments industriels en attente d’une nouvelle vie offrent en effet aux acheteurs la possibilité d’emménager dans de vastes volumes pour un budget réduit. Quitte à supporter quelques désagréments au quotidien. C’est le cas des péniches, qui attirent de plus en plus de citadins en quête d’un mode de vie différent, au bord de l’eau, dans un cadre original, tourné vers la nature. Et tant pis pour les semaines de crue. Les anciennes écoles ou casernes et les églises désaffectées proposent quant à elles un potentiel de rénovation et de transformation dont l’unique limite est l’imagination de leurs nouveaux propriétaires ! Le phénomène n’est pas nouveau ; depuis des décennies, les lofts font le bonheur d’acheteurs à la recherche d’un immobilier atypique, à la fois industriel et artistique. Mais à l’aune des années COVID-19, le marché des biens hors normes semble avoir gagné un nouvel élan tant il résonne comme une promesse d’ouverture, de caractère et d’espace, en phase avec les nouveaux usages, mélangeant personnel et professionnel.

L’aventure présente cependant des défis spécifiques, notamment en ce qui concerne la réglementation et la rénovation de ces biens particuliers. Les péniches, par exemple, nécessitent une expertise spécifique en matière de navigation et d’entretien, tandis que les églises et les écoles peuvent être soumises à de sévères contraintes architecturales et patrimoniales. Qu’en est-il côté prix par rapport à un logement classique ? Difficile de fixer une règle, tout dépendra du type de bien, de son emplacement et de son état. Ce qui ne transforme pas pour autant ce marché en jungle immobilière, les agences spécialisées ayant aujourd’hui pignon sur rue et sur Internet, avec des positionnements et des savoir-faire généralement indiqués dans leur nom ou leur marque.

 

Quand l’immobilier n’est pas qu’une question d’argent

Dans l’univers de l’immobilier atypique, Patrice Besse est considéré comme une référence. Sa spécialité, les biens à valeur historique et patrimoniale. Il nous reçoit au Café Singuliers (1), le bistrot de quartier à la fois espace de coworking et bibliothèque qu’il a ouvert contre son agence immobilière du XIe arrondissement parisien. « Cet endroit fut autrefois un atelier d’ébénisterie puis servit de réserve pour un antiquaire avant d’être abandonné pendant une vingtaine d’années. Nous avions envie de lui redonner vie en le détournant, en partant du principe que plus personne aujourd’hui ne pousse la porte d’une agence immobilière classique. » Avec en son centre un poêle d’église jouxtant le comptoir, le Café Singuliers n’a mis que quelques semaines à devenir l’un des points de ralliement des habitants du quartier Faidherbe. Pourquoi avoir choisi d’ouvrir un restaurant lorsque, à l’origine, on est un pur agent immobilier ? « Pour pouvoir y boire le meilleur ristretto de Paris ! plaisante Patrice Besse. Plus sérieusement, l’idée était de proposer un univers qui ressemble à notre offre immobilière, c’est-à-dire un espace tourné vers le patrimoine, la culture et l’art de vivre en cassant les codes de la profession. » Les années 80 et 90 ont été celles de la croissance effrénée d’un secteur assez nouveau en France, l’immobilier qualifié de prestige. « Il nous a alors paru intéressant d’aborder ce segment sous l’angle du patrimoine, raconte cet amoureux de la vieille pierre, en proposant autant des châteaux que des pigeonniers ou des moulins à eau. En clair, à nos yeux, l’immobilier n’est pas qu’une question d’argent. » Caractériser ou définir ce qui donne à un bien son caractère atypique est évidemment subjectif. Un château est par nature un bien atypique et pourtant, quoi de plus classique ? Selon Patrice Besse, un bien atypique, ou hors normes, est tout simplement un endroit qui à l’origine n’a pas été créé pour être habité et qui pourtant le deviendra. Les exemples sont légion : moulins à vent, usines, ruines a priori inhabitables, casernes, tribunaux, écoles et autres églises.

ÉVOLUTION

Des espaces répondant aux nouveaux usages

Quel est le critère qui classe un bien comme hors du commun ou extraordinaire ?

Olivier Thonon, directeur de l’agence Architectures’ Paris :  C’est un mélange de critères objectifs et subjectifs comme la vue, l’emplacement, les volumes, le plan ou l’origine du bien. En résumé, c’est ce qui le rend unique. C’est d’ailleurs l’une des premières motivations de nos clients acheteurs, l’envie de vivre, d’habiter ou de travailler dans un bien qui ne soit pas duplicable, qui soit autre chose qu’un simple toit au-dessus de leur tête.

Dans Paris, de tels biens sont-ils réservés à une clientèle fortunée ?

Absolument pas. Notre offre commence avec des studios réinventés par des architectes, parfois vendus meublés et proposés autour de 300 000 ou 400 000 euros. Des prix certes élevés, mais s’inscrivant dans la moyenne parisienne.

Existe-t-il encore dans Paris des ateliers d’artisans ou d’artistes oubliés en fond de cours ?

Dans Paris intra-muros et même en première couronne, les ateliers de serrurier ou de forgeron ont déjà tous été réhabilités ou transformés. Ils ont même généralement déjà changé de main à plusieurs reprises. Le cas des ateliers d’artistes est différent. Il en reste encore quelques-uns dans leur jus, comme celui que nous proposons en ce moment dans le XVIIe arrondissement et qui n’a pas été mis sur le marché depuis plus de 50 ans.

Les lofts, qui étaient considérés comme le Graal à la fin du siècle dernier, ont-ils encore des amateurs en 2023 ?

Bien sûr, car ils étaient prédestinés au télétravail. Avec leurs grands volumes modulables hérités de leur origine industrielle, les lofts sont aujourd’hui d’une modernité absolue. Nos clients n’ont pas attendu le COVID-19 pour travailler de chez eux ! Ils sont nombreux à voir une certaine poésie urbaine dans le fait d’habiter un loft. Ils n’ont pas la même voiture que tout le monde, ils n’ont pas le même bureau que tout le monde… Leur art de vivre est fait de singularité, d’où la nécessité de leur proposer des biens à leur image.

 

 

Acheter une église, le meilleur moyen de la sauver

Les biens atypiques sont souvent une solution pour les petits budgets (à partir d’un euro symbolique) mais comme toujours en matière d’immobilier, tout est question d’emplacement. Il va de soi qu’un corps de ferme ou un moulin à réhabiliter en pleine campagne dans une région rurale n’aura pas la même valeur qu’un bien similaire situé dans une zone touristique ou à proximité d’une grande ville. Tout dépend des frais qu’il faudra prévoir pour les rendre habitables. En ayant en tête que le montant des travaux ne sera pas forcément couvert le jour d’une éventuelle revente. Il s’agit donc bien souvent d’une question de plaisir ou de passion plus que de raison. La première précaution est de contrôler l’environnement du bien en question. Si l’on va s’installer à la campagne, c’est pour bénéficier d’air pur et de quiétude. Il serait dommage d’investir dans la réhabilitation d’un bâtiment pour voir quelques mois plus tard fleurir des éoliennes ou des hangars agricoles devant sa porte. Le bonheur ultime étant l’espace, il faut avant tout s’assurer que l’on n’aura pas de mauvaises surprises de ce côté-là. « Il s’agit ensuite de bien s’entourer avant de se lancer. Mais cette deuxième règle est valable pour n’importe quel projet immobilier », ajoute Patrice Besse. Dans le registre des biens atypiques, l’agence qui porte son nom est régulièrement chargée de la vente d’églises. De telles transactions sont-elles choquantes ? « Au contraire, on les sauve de la destruction en les vendant. Quand une église arrive à nous, c’est que tout a été essayé et que plus personne n’en veut. J’ajoute que lorsque l’on vend une église appartenant à un évêché, elle est désacralisée et n’a plus de valeur cultuelle. Les pratiquants le savent bien ; ceux qui s’en indignent sont ceux qui n’en franchissent jamais les portes ! »

 

S’installer sur une péniche aux portes de Paris

FIL DE L’EAU — En cette fin d’octobre 2023, Sophie G. vient tout juste d’emménager dans sa péniche, après un an de travaux. Aux portes de Paris, dans le département des Hauts-de-Seine, elle a conçu l’aménagement de ce bateau long de 18 mètres grâce aux quatre années d’expérience qu’elle avait déjà vécue en tant que locataire d’une autre péniche, située sur la rive opposée de la Seine. C’est donc une experte de la vie fluviale qui nous accueille à son bord.

Sophie, comment en êtes-vous venue à vivre sur l’eau ?

Sophie G. : Par hasard, en cherchant à me rapprocher de mon lieu de travail dans le XVIe arrondissement, alors que j’habitais une commune du Val-d’Oise. Un ami m’a alors parlé d’une péniche proposée à la location, qui avait l’avantage de proposer trois chambres, ce qui était un impératif, car j’ai deux enfants, ainsi qu’une terrasse. Le loyer était raisonnable, je ne prenais pas grand risque à tenter l’aventure. Nous y avons vécu quatre ans ; les aléas de la vie ont fait que j’ai dû par la suite me réinstaller dans un appartement et je n’ai alors eu qu’une idée en tête, acheter ma propre péniche.

Comment avez-vous déniché celle-ci ? Dans quel état était-elle ?

Je savais exactement ce que je voulais, un bateau disposant d’au moins trois chambres ainsi que d’une pièce extérieure ou une terrasse donnant de plain-pied sur la pièce de vie. Car d’expérience, les différences de niveaux et les escaliers peuvent rapidement compliquer le quotidien sur une péniche. J’ai fait appel à une agence spécialisée, MyPeniche.fr, qui proposait à la vente ce bateau. En l’occurrence un ancien atelier de luthier, non habitable en l’état. J’ai vite compris son potentiel, mais il m’a fallu vérifier auprès des chantiers navals compétents que les travaux étaient envisageables et obtenir des devis. J’ai ensuite pu négocier le prix du bateau en fonction du coût des travaux.

Quelle enveloppe budgétaire faut-il compter pour acheter une péniche ?

Environ 60 % du prix d’un appartement d’une superficie équivalente dans le même quartier. Tout dépend bien sûr des éventuels travaux à réaliser. Me concernant, ceux-ci ont duré neuf mois pour un budget correspondant à la moitié du prix d’achat du bateau.

Que vous apporte le fait d’habiter sur l’eau ?

C’est un art de vivre aux portes de Paris, avec de l’espace et de la verdure, ce qu’aucun appartement ne saurait nous apporter. Ce ne sont pas des voitures que nous voyons passer devant nos fenêtres mais des kayaks et des canards ! Cela vaut bien de supporter quelques désagréments…

Justement, quelles sont les contraintes avec lesquelles il faut composer ?

À l’image d’une vieille maison, il faut être bricoleur pour vivre sur une péniche. Il y a toujours quelque chose à réparer. Le fait de vivre sur l’eau impose d’accepter les caprices du fleuve, notamment lors des crues. Être dans l’incapacité d’entrer ou sortir normalement de chez soi pendant plusieurs jours demande une certaine philosophie ! Le bon côté des choses et que la solidarité est totale entre voisins. Par ailleurs, selon les emplacements, il sera plus ou moins facile de se garer, de jeter ses poubelles ou d’installer sa boîte aux lettres. Mais cela fait partie du jeu.

Côté, aménagement intérieur et extérieur, est-on libre de faire ce que l’on veut lorsque l’on achète une péniche ?

Globalement oui, car une péniche n’est pas un bien immobilier. Si vous voulez peindre votre bateau en rose ou en jaune fluo, rien ne vous en empêche ! Nous concernant, la seule contrainte concernait la hauteur globale du bateau, qui devait pouvoir passer sous le pont en amont. Et l’interdiction d’augmenter la longueur et la largeur du bateau, qui détermine celle de l’emplacement. En fait, la seule règle réellement contraignante est l’équilibrage du poids du bateau, qui ne doit pencher ni sur le côté ni vers l’avant ou l’arrière. Cela paraît simple mais lorsque vous installez une cuisine et une salle de bain sur la gauche du bateau, vous devrez le lester à droite pour compenser. Le reste relève du bon sens et des capacités financières de son propriétaire, notamment en termes d’isolation thermique.

Le raccordement à l’eau et l’électricité est-il chose facile ?

Tout dépend de l’emplacement. Ici, aux portes de  Paris, nous raccorder à l’électricité fut assez simple. Pour l’eau aussi, mais ce n’était pas le cas lorsque nous habitions de l’autre côté de la Seine. La péniche que je louais était en effet équipée de sa propre station d’épuration d’eau ! Certains aspects pratiques de la vie quotidienne prennent une autre envergure sur un bateau, il me faudra ainsi être patiente avant de disposer d’Internet à haut débit…

Quelles sont les précautions à prendre si l’on veut tenter l’aventure ?

Surtout, ne pas se précipiter. Il faut rencontrer un maximum de personnes qui vivent déjà sur des péniches, aller consulter les différentes agences spécialisées dans ce type de transaction, voir des architectes, consulter les services municipaux et fluviaux de la ville concernée… Et s’entourer desconseils d’un avocat spécialisé dans les bateaux, qui sera un guide, autant pour la phase de transaction que pour piloter les différentes expertises.

Comment se passe la vente, doit-elle se faire via un notaire ?

Non, une péniche étant un bien mobilier, elle se vend comme une voiture. On peut ainsi envisager, même si cela est déconseillé, de la vendre de gré à gré entre particuliers. L’idéal est de faire appel à un avocat spécialisé, ce qui est le meilleur moyen de se prémunir contre toute déconvenue.

La question de l’emplacement semble clé sur le plan administratif…

Oui car, qu’il s’agisse d’un bateau appelé à naviguer ou d’une maison flottante statique, il faudra bénéficier d’une convention d’occupation temporaire de l’espace public, ou COT, c’est-à-dire une place de port officielle. Ce qui est beaucoup plus facile à la campagne qu’en ville, naturellement. De même, le montant de la redevance mensuelle est à prendre en compte. Là encore, il dépend de la taille du bateau et de l’emplacement exact. Dans Paris et en proche banlieue, cela va d’environ 200 à 1 600 euros par mois. Il va de soi qu’un emplacement avec vue sur la Tour Eiffel ou Notre-Dame pour une péniche de 38 mètres de long se monnaye au prix fort… à condition d’en trouver un ! C’est pourquoi je conseille aux nouveaux arrivants de commencer par un petit bateau sur deux étages plutôt qu’un grand bateau sur un étage. La maintenance en sera plus simple et moins coûteuse.

Est-il vrai qu’il faut régulièrement entretenir la coque ?

Oui, c’est une obligation légale tous les 10 ans, mais cela est relativement rapide et ne coûte que quelques milliers d’euros s’il ne s’agit que d’une opération d’entretien. Si l’on raisonne en enveloppe globale, vivre sur une péniche ne coûte pas plus cher que vivre sur un appartement avec le bonheur incomparable habiter sur l’eau, en pleine nature, même en ville.

 

Pour Charlotte et William, c’est la vie de cathédrale !

RÉSURRECTION — A Neuvy-Deux-Clochers (Cher), dans un vallon à la limite des vignobles du Sancerrois et de Menetou-Salon, dans la zone d’appellation contrôlée Crottin de Chavignol, se dresse une “cathédrale” unique en son genre. Une oeuvre monumentale d’art brut due au sculpteur Jean Linard (1931-2010), qui entre 1983 et 2009 édifia cette cathédrale oecuménique où se côtoient toutes les religions. Un ensemble d’objets de récupération, de sublimes mosaïques, de verre et d’émail qui évoque instantanément le Palais Idéal du Facteur Cheval. Inscrit aux Monuments historiques depuis 2012, le site était quasiment à l’abandon lorsqu’en 2020 un couple de chefs pâtissiers s’étant rencontrés à Paris chez Christophe Michalak entreprit de lui redonner sa splendeur passée. A 27 et 32 ans, William Rouger et Charlotte Collet, qui viennent d’avoir un enfant, ont décidé de faire revivre la Cathédrale de Jean Linard !

Charlotte, comment vous est venue l’idée d’acquérir la cathédrale de Jean Linard ?

 

Charlotte Collet : Mes parents habitent à 15 kilomètres de Neuvy-Deux-Clochers. Lorsque j’étais enfant, j’adorais visiter la Cathédrale. Je me souviens très bien de Jean Linard et de la passion qu’il aimait transmettre à ses interlocuteurs. La dernière fois que j’y étais venue c’était en 2018, les lieux étaient alors gérés par une association qui n’a hélas pas réussi à trouver sa vitesse de croisière. En septembre 2020, alors que je faisais découvrir la région à William, nous avons vu un panneau à vendre ainsi qu’un numéro de téléphone, celui de Nelly Parisot, qui travaille avec Patrice Besse. Cela nous est alors apparu comme une évidence, nous allions acheter la Cathédrale de Jean Linard ! Nous ignorions alors que cet acte d’achat prendrait près de deux ans…

Pourquoi un tel délai ?

Nous avons déposé une offre dans la foulée de notre première visite, en octobre 2020, puis signé le compromis en mars 2021. Mais le dossier fut difficile à monter et ce n’est qu’en juin 2022 que nous avons signé définitivement, pour une ouverture au public quelques semaines plus tard.

Quelles furent les difficultés rencontrées ?

Le principal problème a été de réunir le financement. Car les banquiers ne croyaient pas à la valeur de revente du site, celui-ci étant proposé à la vente depuis plus de 10 ans. Et étant par ailleurs Monument historique, ce qui a le don de refroidir les banquiers, qui y voient à juste titre une source de complications à venir.  Il a fallu le soutien inconditionnel de nos parents et toute notre force de conviction pour que les héritiers de Jean Linard acceptent de nous vendre la Cathédrale !

William et vous avez-vous douté ?

À aucun moment. Nous avions dès le début réalisé le potentiel de développement des lieux… ainsi que l’ampleur des dégâts. Nous avons d’ailleurs, en accord avec la famille de Jean Linard, commencé à entretenir l’extérieur avant même d’être officiellement propriétaires.

Dans quel état la cathédrale était-elle lorsque vous en avez pris possession ?

Si l’on veut rester positif, disons qu’il y avait un toit pour nous permettre de nous loger ! Pour le reste, il nous a fallu être à la fois élagueurs, jardiniers, maçons, couvreurs, plombiers et électriciens, sans oublier la partie administrative de l’aventure, qui s’est avérée particulièrement lourde.

Qu’en était-il sur le plan artistique ?

De nombreuses mosaïques avaient besoin d’être restaurées, voilà encore une technique qu’il nous a fallu apprendre… William est par ailleurs en train de s’initier à la poterie, sur le tour de Jean Linard qu’il a réussi à remettre en marche. En parallèle, il nous a fallu mener une recherche documentaire en profondeur sur la vie et l’oeuvre de Jean Linard pour écrire la visite guidée. Lorsque sa fille est venue et nous a confié qu’elle avait grâce à nous appris plusieurs détails sur son père, nous avons compris que notre pari était réussi…

Quel bilan dressez-vous de l’année 2023 sur le plan des visites ?

En étant ouverts de Pâques à la Toussaint, nous avons franchi la barre symbolique des 10 000 visiteurs, ce qui était pour nous une immense satisfaction. En parallèle, la programmation culturelle de concerts, lectures ou pièces de théâtre a rencontré un certain succès, nous allons d’ailleurs profiter de l’hiver pour affiner celle de la saison 2024.

Et qu’en est-il de l’offre de restauration, ce qui est votre métier d’origine ?

Nous avons ouvert l’été dernier sur la terrasse une offre de petite restauration, réalisée avec les moyens du bord. Mais notre objectif est depuis le début d’installer un véritable laboratoire professionnel. Et de créer un restaurant ouvert au public avec un moment salon de thé durant l’après-midi. Pour cela, nous avons lancé une campagne de financement participatif sur KisskissBankBank, soutenue par l’agence Tourisme et Territoire du Cher. Soit un projet d’environ 150 000 €, ce qui est assez ambitieux. Mais face à la magie d’un tel lieu, l’ambition n’est pas ce qui nous manque.

Quel effet cela fait-il de vivre dans une cathédrale ?

Nous habitons en effet dans une cathédrale mais avant tout, nous habitons un lieu unique en son genre !

 

Quand le financement devient lui aussi atypique 

PARTICULARITÉ — Cécile Roquelaure, directrice des études d’Empruntis, nous apporteson expertise sur les difficultés à financer un projet atypique

La question de l’emprunt revêt-t-elle une dimension particulière lorsqu’il s’agit d’un bien atypique ?

Cécile Roquelaure : Il me paraît important de clairement différencier les biens atypiques que sont par exemple les églises, les écoles ou les prisons désaffectées, des biens spécifiques, comme un appartement doté d’un rooftop ou une maison avec un accès direct à une rivière. Seuls les premiers auront un caractère réellement différenciant lors de la recherche de financement. De même, un bien déjà réhabilité par ses précédents propriétaires, comme un ancien atelier d’artiste, n’entre plus dans la catégorie des biens atypiques. Tout au plus est-il original.

Quel est l’impact sur la recherche de financement ?

Qui dit bien atypique dit financement atypique. Monter un dossier de financement pour un appartement classique est déjà en soi une opération souvent compliquée. Lorsqu’il s’agit d’un achat hors normes, les banques auront naturellement tendance à se montrer très frileuses. Le projet est-il viable, les candidats à l’achat ont-ils les reins assez solides pour le mener à terme, notamment sur le plan administratif, qui peut se montrer très lourd ? Une réhabilitation peut en effet se heurter à de nombreux écueils, notamment s’il s’agit d’un bien ou d’un site classé. Le montant des travaux a-t-il été correctement estimé ? Les candidats devront se montrer très convaincants, surtout s’il s’agit d’un projet à visée professionnelle,  avec l’aléa de la rentabilité. J’ajoute qu’acheter un bien atypique pour en faire une résidence secondaire prendra des allures de mission impossible aux yeux des banques si le dossier ne présente pas de garanties ultra solides.

Quelle démarche les candidats à l’emprunt doiventils adopter s’agissant d’un achat atypique ?

Il leur faudra monter un dossier encore plus solide que d’habitude, sachant que les deux tiers des banques refuseront tout net de s’y intéresser. Mon conseil est de consulter au moins deux banques nationales et deux banques mutualistes. D’où l’intérêt de faire appel à un courtier, qui dispose de conseillers aptes à mener à bien une telle demande, dans l’intérêt des emprunteurs.

Existe-t-il des banques spécialistes de ce genre de bien ?

Sur le plan national, non. Les candidats à l’emprunt doivent avoir en tête que les banques ne raisonnent forcément pas de la même manière région par région. Chaque banque dispose de ses propres ressources et irrigue sa région de manière différente, en se montrant plus ou moins volontariste sur le soutien aux implantations locales, fussent-elle atypiques. Là encore, c’est le rôle du courtier que de guider les acheteurs afin de donner à leur dossier à maximum de chance de succès.

 

SPÉCIFICITÉS

Assurance, la nécessité du sur-mesure

Les biens atypiques nécessitent le plus souvent une assurance sur mesure. D’abord en raison de leur nature unique, source de risques potentiellement plus élevés, notamment en matière de vol et d’incendie. Ensuite parce que l’estimation de leur valeur demande une expertise spécifique. Cela ne signifie pas forcément que les primes seront plus élevées que pour un bien classique. En revanche, attention, les assureurs généralistes se montreront globalement frileux devant de tels dossiers, surtout s’il s’agit d’un bien en cours de réhabilitation, de ce fait soumis à des aléas suppl.mentaires. Il est donc essentiel pour les propriétaires de s’adresser à des assureurs spécialisés, qui comprennent les spécificités de ces biens et seront à même de leur offrir une couverture adéquate. Pour un loft ou un atelier d’artiste reconvertis en logement, un contrat multirisque habitation classique fera probablement l’affaire. Il en va autrement d’une péniche, d’un ancien bunker ou d’un logement troglodyte ! Trouver la compagnie d’assurance ou le courtier apte à traiter le dossier demandera de frapper à de nombreuses portes, un point à évoquer avec le vendeur ou l’agent immobilier en amont de l’acte d’achat.

 

 

SELECTION

Quelques biens atypiques

Agence Patrice Besse

En plein centre historique d’Avignon, une chapelle médiévale classée monument historique, aménagée en théâtre avec foyer, loges et une vaste cour arborée.

En Touraine, dans une vallée tranquille, une maison semi-troglodytique et son jardin.

À l’entrée d’un village situé dans le parc naturel du Verdon, une ancienne usine de plus de 2 000 m. avec ses trois volumes indépendants à rénover.

 

 

Agence Architectures

Loft dans une ancienne halle Eiffel de 171 m2 à La Plaine-Saint-Denis, à 698 000 €.

Atelier d’artiste de 58 m2 avec jardinet dans le XIVe arrondissement à 640 000 €

Loft de 93 m2 à Ivry, 590 000 €.